mardi 26 mars 2013

La métamorphose du capitalisme



La métamorphose du capitalisme, c'est à dire la fusion du capitalisme de marché et du capitalisme d'état est une longue histoire...


Ce qui importe ici est d'analyser la lente évolution de la pensée économique pour adapter un système basé sur l'objet c'est à dire, la production de marchandises. La production (socialiste ou capitaliste) est donc devenue l'alpha et l'oméga des économistes, et, le coeur de la pensée marxiste :

« La production des idées, des représentations et de la conscience, est d'abord directement et intimement mêlée à l'activité matérielle et au commerce matériel des hommes: elle est le langage de la vie réelle. »

Karl Marx a passé sa vie à chercher et analyser les failles du capitalisme avec un objectif qui ne peut que nous laisser perplexe : « Les philosophes n'ont fait qu'interpréter le monde de différentes manières, ce qui importe c'est de le transformer. »

Tout d'abord critiqué, diabolisé, les analyses de Karl Marx ont peu à peu envahi la pensée économique. L'histoire lui a pourtant donné tort. En effet, la révolution marxiste devait être la révolte des travailleurs contre les « classes bourgeoises exploitantes », or, dans la Russie de 1917 (la Chine aussi plus tard), la « classe bourgeoise » était quasiment inexistante. Paradoxe de l'histoire, les révolutions « communistes » se sont déroulées dans des pays très peu industrialisés, sans réelle classe bourgeoise.

Cependant, Karl Marx avait parfaitement identifié l'étape indispensable menant au communisme : le socialisme. Il faut le rappeler, le communisme prône l'abolition du travail salarié (plus de classes) et de l'Etat, deux éléments clés du socialisme.

Le socialisme était donc pour Marx une étape nécessaire permettant de socialiser la production tout en conservant la forme du travail salarié. Dans ce système, l'Etat joue donc un rôle clé et organise un capitalisme centralisé. Les tentatives de mise en place d'un état socialiste redistributif ont cependant échoué, et, n'ont réussi qu'à accentuer les inégalités, à l'exemple de la Russie et la Chine.

La Loi de Pareto s'applique en effet partout et, dans les pays socialistes, la « nomenklatura » s'est emparée du pouvoir en se transformant en classe exploitante.

L'écrivain et prêtre français Félicité Robert de Lamennais qui publia Le Livre du peuple (pages 18-19) livrait, dès 1837, la quintessence du rôle de l'Etat, une véritable prophétie d'une cruelle actualité :


« Les prolétaires, ainsi qu'on les nomme avec un superbe dédain, affranchis individuellement, ont été en masse la propriété de ceux qui règlent les relations entre les membres de la société, le mouvement de l'industrie, les conditions du travail , son prix et la répartition de ses fruits. Ce qu'il leur a plu d'ordonner, on l'a nommé loi, et les lois n'ont été pour la plupart que des mesures d'intérêt privé, des moyens d'augmenter et de perpétuer la domination et les abus de la domination du petit nombre sur le plus grand. 

Tel est devenu le monde lorsque le lien de la fraternité a été brisé. Le repos, l'opulence, tous les avantages pour les uns; pour les autres la fatigue, la misère et une fosse au bout. »

Cependant, le capitalisme de marché est dans une situation aujourd'hui critique, et, nombreux sont ceux qui croient au "grand soir », à la grande révolution communiste, dont le socialisme est l'étape obligée. Pourtant, peu d'intellectuels ont véritablement compris que le socialisme était un capitalisme d'état. La seule réelle question étant en effet de savoir qui contrôle les capitaux, un contrôle dans lequel l'état joue un rôle énorme, y compris dans les économies de marché. On comprend mieux aujourd'hui pourquoi le livre culte de Marx s'intitulait Le Capital, le coeur du problème.

Karl Marx est donc encore systématiquement étudié et influence aujourd'hui l'ensemble des penseurs de l'économie.

Marx était par exemple le plus fervent défenseur de la théorie quantitative de la monnaie. Or, et je l'ai démontré à l'aide de la fameuse loi de Fisher pour consommer il faut équilibrer la masse monétaire avec la quantité de marchandises. Une société consumériste (du latin consumere, qui se consume) transforme en effet tout en exponentielles et en particulier les marchandises, ainsi que la monnaie. La finance n'est donc que le dernier avatar d'un système condamné à disparaître à brève échéance.

Au moment où le capitalisme s'effondre, les évènements s'accélèrent. En effet, le capitalisme est en pleine métamorphose et pour survivre, tente de résoudre ses contradictions en empruntant systématiquement à celui qui les a compilées, Karl Marx.

L'analogie des contraires n'est pas qu'un simple concept, c'est le coeur même de tout mouvement de la pensée, de la psyché.

Le marché applique ainsi aujourd'hui à merveille les théories dites marxistes, mais dans un but inversé. Il faut en effet permettre la hausse tendancielle du taux de profit, augmenter la production et donc donner accès à la monnaie en grande quantité, ce qui nécessite des taux très bas. Le coût de la monnaie est ainsi devenu quasi nul pour les financiers, mais pas celui du travail, et l'on a donc réussi à faire d'une pierre deux coups :
  • l'inflation ne touche pas les détenteurs de grands capitaux.

  • le coût du travail devra s'ajuster c'est à dire baisser à l'exemple des USA, de l'Irlande, de la Grèce et de l'Espagne, etc, etc. En France cela a commencé en 2010 pour les ouvriers et employés (secteur privé et semi-public) et ce n'est que le début...
Pour mieux comprendre, il faut remonter le temps.

John Maynard Keynes (1883-1946), en 1936, fut ainsi l'un des premiers à expliquer que les marchés ne s'équilibraient pas sans intervention de l'état (Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie).

Il est d'ailleurs remarquable de noter que les théories de Keynes ont été systématiquement mises en avant pour expliquer la sortie des USA de la crise de 1929. Ceci est totalement erroné, et ce, pour deux raisons : 
  • le New Deal a été une politique initiée en 1933 par Roosevelt, soit trois ans avant la théorie « révolutionnaire » de Keynes. Cette dernière fut d'ailleurs le fruit d'un travail collectif inspiré en grande partie par les travaux de Richard Ferdinand Kahn. Il a en effet démontré en 1931 à travers son étude : « The Relation of Home Investment to Unemployment » le lien entre investissement intérieur et chômage. De plus, Kahn insista sur l'importance de l'intervention de l'état pour lutter contre le chômage, le thème central de son étude « The financing of public works » publiée en 1932 (le mythe de Keynes décrypté bientôt). 

    L'axe central de l'oeuvre de référence de Keynes publiée en 1936, la Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie, repose ainsi sur les travaux de Kahn et de l'économiste suédois Knut Wicksell qui prônaient l'intervention de l'État dans l'économie. Parler de la politique Keynésienne de Roosevelt est un non sens historique et Keynes n'a d'ailleurs fait que compiler les travaux du cercle d'économistes nommé The Cambridge Circus.
    Roosevelt n'avait d'ailleurs jamais entendu parler de Keynes lorsqu'il instaura le New Deal.  Il ne rencontra Keynes que le 28 mai 1934 et l'entrevue se passa très mal.

    Encore un mythe qui s'effondre aujourd'hui (Le larousse doit réviser sa copie). Cela fait étrangement penser à Walter Lippman, un « grand » journaliste américain et ami de Keynes qui décrivait la « fabrique du consentement » dans son oeuvre culte Public Opinion (1922) : « pour mener à bien une propagande, il doit y avoir une barrière entre le public et les évènements. »


Avec Keynes, on a surtout construit un mythe dans le but de justifier l'intervention de l'état. Keynes fut d'ailleurs un des premiers à utiliser les mathématiques afin d'appuyer ses théories. Wittgenstein expliquait dans son Tractatus que : « les lois logiques sont des tautologies, elles ne disent rien sur le monde ». La tautologie étant une proposition tournée de manière à ce que sa formulation ne puisse être que vraie, nous comprenons mieux pourquoi les économistes utilisent tant les mathématiques. 


Le mathématicien Kurt Gödel (1906-1978) est ainsi devenu célèbre avec son théorème d'incomplétude qui démontre les limites de notre compréhension du monde. Plus passionnant encore et surtout méconnu, son théorème d'inconsistance développe le fait qu'une démonstration mathématique peut servir à expliquer tout et son contraire. 

Les travaux de Gödel nous enseignent que l'homme (et sa prétention de connaissance) tourne en rond autour de lui-même.

Marx révélait d'ailleurs le fameux pot aux roses (que nos « grands » intellectuels connaissent parfaitement) dans une lettre à Friedrich Engels (15 août 1857) qui est très peu diffusée :

« Il est possible que je me sois mis dans l’embarras. Mais avec un peu de dialectique, on s’en tirera toujours. J’ai naturellement donné à mes considérations une forme telle qu’en cas d’erreur, j’aurais encore raison. »


Mais revenons à nos moutons...

L'économiste Joseph Schumpeter, dès 1942, dans son ouvrage Capitalisme, socialisme et démocratie, développa l'analyse imputée à Keynes et affirma l'importance des travaux de Marx. C'est en 1954 qu'il réouvrit la boîte de Pandore en expliquant :« Marx fut l’un des premiers à tenter d’élaborer un modèle explicite du procès capitaliste. »

Il expliquait :

« L’évolution capitaliste n’aboutit pas seulement à un vide qui pourrait être indifféremment comblé par n’importe quel matériau : les hommes et les institutions sont, chemin faisant, transformés dans des conditions qui les séparent toujours davantage aux modalités socialistes. Chaque fois que la charpente capitaliste perd un de ses étançons, un obstacle au plan socialiste disparaît simultanément. À ces deux égards, la vision de Marx était juste. Nous pouvons donc nous y rallier en associant la transformation sociale spécifique qui se poursuit sous nos yeux avec l’évolution économique qui en est le moteur initial » (Schumpeter, 1979, p. 220).
 
Nous connaissons aujourd'hui la suite. De nombreux économistes ont donc étudié les problèmes économiques sous l'angle marxiste, afin, bien sûr, d'y apporter des solutions dans lesquelles l'état joue, bien sûr, un rôle clé. Il est remarquable de noter qu'un mouvement symétrique inversé s'opérait en Chine, un bel exemple d'union des contraires.

Ainsi, le Parti communiste chinois fit un virage à 360 degrés en avouant ce que préconisait Schumpeter : « Le plan et le marché sont des moyens de régulation économique indispensables dans l'étape du développement de l'économie marchande sur la base de la grande production de socialisation. »
Source : French.china.org. 

Pour comprendre la fusion en cours, il convient d'étudier les fondamentaux du capitalisme et surtout son premier credo qui relève de la foi la plus mystique : la concurrence pure et parfaite.

Comme je l'ai déjà écrit, cette loi est au coeur de la théorie de l'équilibre général, le pilier de la pensée économique du capitalisme de marché.

La science économique a d'ailleurs passé son temps (en vain) pour tenter de justifier ce que le moindre commerçant sait depuis toujours, c'est à dire que la concurrence pure et parfaite n'existe pas. Il suffit de demander aux représentants des diverses mafias (triades, etc) pour qu'ils expliquent que la concurrence pure et parfaite possède un médiateur très persuasif : un révolver.
Le livre Gomorra de Robert Saviano (2007) illustre à merveille l'inanité d'un tel paradigme qui est , rappelons-le, un des piliers du capitalisme.
 
Cependant, il ne faut pas trop vite enterrer un système dont la quintessence est basée sur la compréhension profonde de l'homme : l'équilibre par la confrontation des désirs de puissance, du « mal » par le « mal », la concurrence. 
Adam Smith résumait parfaitement cette idée :
« C'est dans le conflit des forces opposées que la science cherche l'ordre et l'équilibre : la guerre perpétuelle est selon elle le seul moyen d'obtenir la paix ; cette guerre s'appelle la concurrence. »

Notre système économique, et c'est le grand secret des fractales, n'est que le reflet de ce que nous sommes.

Donc, Léon Walras, dans son ouvrage : élément d'économie pure (1877), développa ce postulat de base du capitalisme : « le système des prix au sein d'un système décentralisé et concurrentiel permet l'équilibre économique général ». Or, on oublie trop souvent que cela exige de maintenir les conditions de la concurrence.

Pour l'économiste et mathématicien japonais Morishima (1923-2004), l'équilibre général n'était possible qu'à condition que l'Etat intervienne.

Il associa ainsi Marx et Walras dans ses recherches et participa au développement du Toyotisme.

Professeur à Oxford, Yale et surtout à la prestigieuse London School of Economics, son influence fut énorme dans les années soixante-dix au Japon. Il faut tout de même rappeler que la London School of Economics fut fondée en 1895 par George Bernard Shaw, Graham Wallas, Beatrice et Sidney Webb, tous membres exécutifs de la très socialiste Fabian Society.


L'amélioration continue, le célèbre Kaisen, et l'endoctrinement devinrent les bases de l'industrie japonaise avec le succès que l'on connait. Morishima, vers la fin de sa vie, prédisit malgré tout l'effondrement total d'un système basé sur l'augmentation permanente (les exponentielles) de la production.

Force est de constater l'incapacité totale de la science économique à maîtriser quoi que ce soit.

En France, face aux critiques de plus en plus nombreuses du modèle de Walras, Gérard Debreu en collaboration avec Kenneth Arrow publia en 1954 une contribution « exceptionnelle », intitulée Existence of an Equilibrium for a Competitive Economy qui était sensée prouver l'existence d'un équilibre général en économie de marché.

Lorsque la crise monétaire fit rage (fin des accords de Bretton Woods en 1971), faisant voler en éclat la loi de l'équilibre général, Debreu « adapta » ses travaux et le théorème de Sonnenschein-Mantel-Debreu apparut (1972-1974). Il démontrait qu'il n'y avait pas d'équilibre général unique et stable et surtout qu'il fallait coodonner les acteurs économiques afin de fixer les prix, rôle dévolu à l'état, un magnifique exercice de contorsionniste et, surtout, un bel exemple d'application du théorème d'inconsistance de Gödel.

L'économie centralisée planifiée unifiant le marché et l'état, le seul modèle efficace pour beaucoup, reposait désormais sur une « solide » base théorique.

Face à tant de « génie » et une telle « prouesse », Debreu reçut en 1983, le « prix Nobel » d'économie.

Pour démontrer l'importance du problème de la fixation des prix, il faut souligner que l'article 105 alinéa 1 du Système européen des banques centrales (SEBC) déclare que « L'objectif principal du SEBC est de maintenir la stabilité des prix. »

Source : BCE

L'obsession est en effet de ne mettre aucun frein aux saints sacrements, acheter et vendre mais surtout, produire et consommer, les « deux fonctions essentielles de l'homme » pour Ricardo, le mentor économique de Marx.

Marx, plus subtil et secret que l'on ne pense avait d'ailleurs parfaitement compris les implications d'un tel idéal : « L'aspect de la monnaie ne trahissant point ce qui a été transformé en elle, tout, marchandise ou non, se transforme en monnaie. Rien qui ne devienne vénal, qui ne se fasse vendre et acheter ! La circulation devient la grande cornue sociale où tout se précipite pour en sortir transformé en cristal monnaie. Rien ne résiste à cette alchimie, pas même les os des saints et encore moins des choses sacro-saintes, plus délicates, res sacrosanctoe, extra commercium hominum.»


Mais revenons de nouveau à nos moutons...

Pour recevoir un « prix Nobel » d'économie, il y a 3 règles :


  • identifier un dysfonctionnement de l'économie de marché.
  • démontrer que l'intervention d'un organisme de régulation le résoudra.
  • utiliser les mathématiques (théorême d'inconsistance) pour transformer le tout en tautologie et, abracadabra ! (ou plutôt Emstrang Gram Bigà bigà ic calle Gram...).

Le « prix Nobel » d'économie 2012 a donc été attribué à Loyd Shapley et Alvin Roth.

Ils ont ainsi démontré, à l'aide des mathématiques, qu'une économie de marché efficace, c'est à dire permettant l'ajustement de l'offre et de la demande, impliquait un capitalisme de marché centralisé et planifié. Deux « grands » économistes qui ont tout compris.

Cependant, l'essentiel n'est pas là.

En effet, Léon Walras dans son ouvrage Éléments d’économie politique pure, ou théorie de la richesse sociale (1874) révélait le grand secret de l'économie :

« A l'état d'équilibre de la production, les entrepreneurs ne font ni bénéfice ni perte. »

Cette petite phrase, d'apparence anodine, est nettement plus « révolutionnaire » que la baisse tendancielle du taux de profit (qui est fausse).

Cette loi, implique en effet que l'équilibre général soit contrôlé de façon à générer le fameux bénéfice, d'où l'intérêt des producteurs de fixer eux-même les règles, et pour cela, rien ne vaut l'état.

On comprend mieux ainsi l'importance de la régulation.

Michel Aglietta a publié en 1976 le livre fondateur « régulation et crise et capitalisme » fille de la théorie du Capitalisme monopolistique d’État (CME) dans laquelle, selon Herzog et Boccara, les appareils étatiques sont mis au service de l'économie afin de limiter la baisse tendancielle du taux de profit pour les capitaux et l'initiative privés. L'état doit donc intervenir en prenant comme postulat une théorie totalement fausse (la baisse tendancielle du taux de profit) tout en masquant la pensée de Walras et ses implications. L'état est en effet obligé d'intervenir (fixer les prix et réguler le secteur bancaire) pour qu'un petit nombre « d'élus » puissent continuer à s'enrichir.
Pour approfondir : Nouveau capitalisme 

L'idée d'une régulation de l'économie par l'état est vieille comme le monde et les économistes ultralibéraux n'y échappent pas.

Dans Capitalism and Freedom (1962, chap. 1, p. 15), Milton Friedman indiquait que « l'existence d'un marché libre n'élimine évidemment pas le besoin de gouvernement. Au contraire, le gouvernement est essentiel, à la fois pour déterminer les « règles du jeu », et comme arbitre, pour interpréter et faire respecter les règles qui ont été adoptées. »

Chomsky détruit d'ailleurs régulièrement le mythe du pur capitalisme de marché sans intervention étatique.



 
Keynes expliquait d'ailleurs que le contrôle bancaire (la fameuse régulation) serait mondial : « L'idée qui sous-tend ma proposition pour une Union Monétaire est simple, à savoir généraliser le principe essentiel du secteur bancaire... par l'établissement d'une Banque de Règlement internationale. »
  
Cette idée reprend pour l'essentiel les idées de Marx :
« C'est dans le commerce entre nations que la valeur des marchandises se réalise universellement. C'est là aussi que leur figurevaleur leur fait vis-à-vis, sous l'aspect de monnaie universelle monnaie du monde (money of the world), comme l'appelle James Steuart, monnaie de la grande république commerçante, comme disait après lui Adam Smith. C'est sur le marché du monde et là seulement que la monnaie fonctionne dans toute la force du terme, comme la marchandise dont la forme naturelle est en même temps l'incarnation sociale du travail humain en général. »

Le capitalisme, en pleine métamorphose, toujours en quête de nouveaux marchés et désirant désormais se « moraliser » a trouvé un nouveau prophète, l'économiste Jeremy Rifkin. Celui-ci veut donc quitter la révolution industrielle basée sur les énergies fossiles qui sont en train de mourir et se tourner vers ce qu’il appelle « l’énergie distribuée » (par les grandes multinationales), une variante de la multiplication des pains, mais contre espèces sonnantes et trébuchantes.
La nouvelle économie « le capitalisme vert » sera le parfait exemple d'intégration des marchés et de l'état car rien ne justifie plus la régulation (mondiale) que l'écologie. L'état taxe et construit les infrastructures, le marché distribue et ramasse la mise. Socialisation des investissements et pertes, privatisation des profits, une merveilleuse vision de l'avenir qui se met en place mondialement.
Par exemple, le portugal a vendu ses aéroports au groupe Vinci, la Grèce brade tout (réseau électrique, ports, autoroutes, etc).
Le peuple nage dans le bonheur, ses impôts, la socialisation des coûts initiaux qui ont servi à financer ses infrastructures, vont bénéficier à de grandes multinationales.

Pas étonnant que l'ancien premier ministre grec (2009-11/11/11) Georges Papandréou, président de l'Internationale Socialiste, soit devenu enseignant à Harvard en tant que spécialiste de la crise. Son père Andréas Papandréou a d'ailleurs été premier ministre grec de 1981 à 1989 puis de 1993 à 1996. Le « contrôle » démocratique est désormais devenu héréditaire...

Alexis de Tocqueville (1805-1859), visionnaire, dénonçait « le despotisme démocratique » qu'engendrait la planification économique et déclarait par ailleurs : « Les Français veulent l'égalité, et quand ils ne la trouvent pas dans la liberté, ils la souhaitent dans l'esclavage... La liberté n’existe pas sans morale, ni la morale sans foi. »
Alberto Alesina directeur du département d'économie d'Harvard (2003-2006) expliquait ainsi dans son ouvrage publié en 2006 (The future of Europe, Reform or Decline) que le modèle social européen était sur le déclin. A force de rationalité et de matérialisme, toute humanité disparaît...
Avec la crise, l'intervention de l'état devient la règle et, par exemple, aux USA, de nombreuses villes sont administrées par celui-ci.
Détroit a ainsi été mise sous tutelle en mars 2013 avec un administrateur et coordinateur exceptionnel (Kevyn Orr) qui possède les pleins pouvoirs et n'a plus besoin de soumettre ses décisions au conseil municipal. La démocratie locale est en voie de disparition aux USA !

Malgré tout ce « génie » déployé, la dernière tentative de survie de la pensée matérialiste est vouée à l'échec.
Notre système économique fonctionne en effet selon le triptyque : dette = consommation = travail qui ne génère que des exponentielles.
Comme je l'ai déjà écrit, l'intégrisme marchand a le don d'ubiquité et, l'obsession de la production de quantité du capitalisme a donc été inversée et remplacée par l'obsession de la quantité de production socialiste.
Les capitalismes de marché et d'état fonctionnent ainsi sur le même mode de pensée cartésien et matérialiste qui place l'objet et sa production au coeur du système. La contrepartie consiste à augmenter encore et toujours la quantité de monnaie, sa masse et sa vitesse, le vrai rôle de la finance.
En effet, une vision cartésienne et matérialiste finit par engendrer son corollaire, le culte de l'objet, de la marchandise et nous sombrons dans les affres de l'inconscient, c'est à dire de celui qui a perdu toute conscience. In fine, celui qui fixe réellement les prix, n'est pas l'Etat, mais notre inconscient, facilement manipulable. Le fétichisme de l'objet et son corollaire, le culte de la quantité, ont remplacé dieu, un monde dans lequel l'homme ne rencontre désormais que lui-même.
Freud est donc celui qui permettra, après Marx, de résoudre l'énigme de la valeur des marchandises. On comprend mieux ainsi en quoi Freud est le prolongement logique de Comte, Feuerbach et Marx, la lente descente dans les profondeurs, le mythe d'Orphée revisité.
L'égocentrisme, l'hédoniste et le narcissisme âprement combattus depuis l'aube de l'humanité sont aujourd'hui encensés, au coeur de la publicité et de l'étude de la valeur des objets. Danielle Allérès, économiste à la Sorbonne, responsable du Centre de Recherches luxe et Art expliquait ainsi qu'« un objet, un produit ou un service de luxe traduit toute l’amplitude des opportunités de choix d’un produit. Il répond, tout à la fois, à des facteurs rationnels de sélection d’objets ou de produits (revenu de l’acquéreur, prix des produits, rapport qualité-prix, ...) et à des facteurs irrationnels (satisfaction personnelle de nature hédoniste, narcissique, égocentrique, ...).
Source : valeur des objets    

Peut-être un jour nous rendrons-nous compte que ce qui a un prix n'a que peu de valeur, mais ceci est une autre histoire...
Ainsi, comme le résumait fort bien Giuseppe Tomasi di Lampedusa, « Il faut que tout change pour que rien ne change. »
La domination de l'homme par l'homme est donc au coeur de l'économie quel que soit le « système » utilisé, ce qu'illustrait à merveille Thrasymaque, un sophiste de la Grèce antique du Vème siècle av J.C. Dans la République, Thrasymaque révèlait ainsi la quintessence de l'économie politique et de la métamorphose en cours du capitalisme : « la justice naturelle est ce qui est le plus avantageux au plus fort ; et le plus fort est celui qui ne se trompe pas dans la compréhension de ce qui lui est avantageux. Le but de tous les hommes, ce qui rend vraiment heureux, c'est de mettre la puissance aux services des passions et des intérêts de celui qui la possède. L'injustice est sage et vertueuse. »


 

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