jeudi 27 juin 2013

La métamorphose de la mondialisation



Voici un extrait de mon intervention au Colloque (Maghreb et mondialisation) du vendredi 21 juin à la salle de conférence de l'Assemblée Nationale.
Il permettra de mieux comprendre la résilience (l'adaptation à un environnement changeant) des grandes structures régionales afin de résister à l'impact de la crise, une véritable métamorphose de la mondialisation.
Pour commencer, un état des lieux de l'économie mondiale s'avère indispensable. Il permettra en effet de mieux appréhender les difficultés actuelles ainsi que l'urgente nécessité de repenser nos modèles économiques (américains ou chinois).

Tout d'abord, il faut évaluer l'impact de la crise sur les échanges mondiaux. Pour cela, il existe un indicateur de premier ordre que j'ai déjà étudié sur ce blog (un rappel est nécessaire ici) : le Baltic Dry Index (BDI) qui sert à mesurer le niveau des prix du transport maritime de matières sèches, une moyenne des prix pratiqués sur 24 routes mondiales de transport. Cet indice est un excellent indicateur de la future production industrielle. En effet, les matières sèches de cet indice concernent les minerais, les céréales, le ciment par exemple, autant de produits de base qui seront dans un proche avenir transformés.

Source : Baltic Dry Index

Comme nous pouvons le constater, la sortie de crise, n'est pas à l'ordre du jour et, de plus, nous assistons ces derniers mois à une chute constante de cet indice qui était le 24 mai 2013, à 828 points. Nous retournons lentement mais sûrement vers les abysses de la fin 2008 malgré les milliers de milliards de dollars injectés en pure perte. Pour rappel, avant la crise, en mai 2008, l'indice avait atteint son record de 11 793 points. Nous comprenons mieux ainsi la contraction de l'activité manufacturière en Chine qui s'inscrit dans un contexte mondial d'effondrement des échanges.

B. Impact de la crise en Chine et résilience

L'indice PMI (Purchasing Managers Index) des directeurs d'achat de la Chine publié il y a quelques jours par HSBC s'est établi à 49,6. Tombant sous la barre des 50, il indique clairement une contraction de l'économie chinoise. De plus, avec une croissance du PIB estimée à 7,5% en 2013 (plus proche des 7% pour ma part), la Chine va entrer dans une très forte zone de turbulence. En effet, la Chine doit intégrer 20 millions de travailleurs chaque année (démographie, immigration et exode rural) ce qui l'oblige à ne pas descendre en dessous des 7,5% de croissance. La pression sociale qui a engendré de très fortes hausses de salaires (17,1% en 2012) et l'impact des coûts environnementaux posent désormais de gros problèmes de compétitivité à la Chine qui voit se développer ses concurrents asiatiques.
Pour lutter contre cela, la Chine a mis en place un renforcement de ses échanges (+ 30,2% en mars 2013) au sein de l'ASEAN (Association des nations de l'Asie du Sud-Est) et développé en mai 2013, la création d’un espace douanier commun.

C. Impact de la crise aux USA et résilience

Le modèle économique américain connaît lui aussi de gros problèmes. Voici quelques chiffres peu connus du public :
- la dette du gouvernement fédéral américain a franchi la barrière des 100% de dettes en mars 2012 (105% aujourd'hui). Les USA injectent 1200 milliards de dollars (plus de 100 milliards par mois) dans leur économie chaque année depuis la mise en place des Quantitative Easing (QE1, 2 et 3) et cela n'est pas prêt de s'arrêter.
Source : Mon blog
- 10,6% des crédits immobiliers résidentiels US (qui représentent environ 5000 milliards de dollars) ne sont pas remboursés aux USA selon le dernier rapport de l'OCC (Office of the Comptroller of The Currency, page 13/69) un organisme du trésor américain chargé de la tutelle des banques. L'immobilier commercial est lui aussi déprimé. Les dépenses de construction ont de plus chuté de 37 milliards de dollars par rapport à la fin 2012.
- le taux de chômage ne reflète en rien la réalité car des millions d'américains ont dépassé la durée maximale de perception des allocations chômage. Ils ne perçoivent donc plus ces allocations et disparaissent des statistiques. La plupart des Etats américains versent une allocation chômage (State Unemployment Insurance Benefits) pour une durée maximale de 26 semaines alors que la durée moyenne de chômage est de 36,9 semaines en mai 2013.
Face aux difficultés, les USA ont en effet développé les échanges au sein de l'ALENA : +70% avec le Canada et +80% avec le Mexique depuis le début de la crise selon le centre de recherche de la Fed de St Louis. Parallèlement, les USA ont réduit considérablement leurs importations hors ALENA ce qui démontre l'importance d'une intégration régionale. Les importations de produits chinois ont ainsi diminué de 12,2 milliards de dollars sur les cinq derniers mois (39,5 MD$ en novembre 2012 à 27,3MD$ en mars 2013). La croissance des échanges au sein de l’ALENA permet ainsi de moins subir la concurrence des importations chinoises et cela traduit l’effort de croissance dans la zone nord-américaine.

D. Impact de la crise en Europe et résilience

L'Europe est elle aussi touchée de plein fouet par une crise sans précédent et, pour le démontrer, il suffit d'analyser l'explosion de la dette des pays européens depuis 2008.
La dette de la Grèce s'est littéralement envolée depuis 5 ans passant de 107% à 165% de son PIB (x 1,5). Pour l'Irlande la dette publique a été multipliée par cinq depuis 2007 et dépassera 120 % de son PIB en 2013. Le niveau d'endettement espagnol a doublé en cinq ans et atteint aujourd'hui 85% du PIB. La France s'approche désormais de la barrière fatidique des 100% de dette et atteindra le chiffre record de 93,4% de dette fin 2013 selon la Commission européenne.
La dette de l'Allemagne et du Royaume-Uni atteint désormais 83%.
L'Europe risque donc la dislocation et n'aura qu'une seule solution (ce que j'écris depuis le début de la crise), la création d'un Fonds Monétaire Européen (FME). Le FESF (Fonds européen de stabilité financière) créé en mai 2010, puis le MES (mécanisme européen de stabilité) chapeautés par le CERS (Comité européen du risque systémique) ne sont que les étapes vers ce qui semble inéluctable car, face aux montagnes de dettes, il faut un prêteur en dernier ressort. Ces dispositifs ne peuvent pas en effet émettre de dettes (euro-obligations/euro-bonds) et chaque état, déjà lourdement endetté (notes dégradées) doit alimenter ces fonds avec une divergence croissante des taux d’intérêt (spread) sur la dette souveraine. L’Europe sortira donc renforcée par cette crise car elle se dotera d’une BCE ayant le monopole de l’émission de l’euro, de fonds propres (création d’un impôt européen ?) et surtout d’un trésor européen.
Malgré tout, les volumes d'échanges mondiaux de marchandises ont considérablement chuté et le chômage augmentera encore et toujours.
Nous le voyons clairement, nous assistons avec la crise à une métamorphose de la mondialisation.
D'un côté, l'échange de marchandises intercontinental s'effondre, de l'autre, les échanges régionaux se développent parallèlement au renforcement de la gouvernance de ces régions, une forme de protectionnisme régional. 
Pour pousser plus en profondeur l’analyse, il convient de comprendre la quintessence de tout mouvement. 
Un mouvement nécessite en effet l'union de deux forces antagonistes à l’exemple de la flexion du bras (ou de la jambe) qui met en jeu deux muscles opposés ou antagonistes : le biceps contracté et le triceps décontracté.

L’union des contraires encore et toujours…

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